Internet au Bénin: un méga!, mais après?

 (Article rédigé en juillet 2001 et publié dans le quotidien national, La Nation)

On l’aura attendu pendant des mois, des années. Aujourd’hui l’augmentation du débit national est chose faite : l’Office des Postes et Télécommunications du Bénin vient de faire passer la connexion internet nationale à un mégabit/s, soit 8 fois le débit du nœud le plus élevé précédemment. Il convient d’abord de féliciter l’OPT pour cette évolution importante. Mais la situation n’est pas encore rose pour autant et de nouveaux enjeux émergent au travers de l’éclosion des NTIC au Bénin.

 Félicitations !

Il convient vraiment de se réjouir de cette évolution de l’internet au Bénin. En effet, depuis l’inauguration du nœud de 128 kilobits/s offert par le projet américain Leland Initiative en février 1998, il avait été promis par l’Office des Postes et Télécommunication l’augmentation du débit dans les mois qui allait suivre, afin que le Bénin puisse profiter des opportunités offertes par ce projet. Mais le premier mémorandum signé par le Bénin et l’USAID est venu à terme en 2000 sans que le Bénin n’ait pu bouger de 128 kbits/s. L’OPT avait même annoncé qu’il allait procéder à l’augmentation du débit de façon indépendante. Lors des interventions médiatiques, il était à chaque fois affirmé que l’augmentation allait être effective ” bientôt “, ” dans quelques jours “, ” dans quelques semaines “. Des jours et semaines sont passés, mais rien ne bougeait. Pendant ce temps, les internautes trimaient entre les liens du web dans les cybercentres et perdaient de l’argent. Pendant ce temps, le Togo passait à un méga (pour chacun de ses deux fournisseurs d’accès), le Sénégal à 4 puis 42 méga, le Burkina et le Mali ne restant pas non plus inactifs. Les acteurs des Nouvelles Technologies avaient beau s’indigner, rouspéter, mais rien ne semblait émouvoir l’OPT. Entre temps, un Ministre des Nouvelles Technologies était nommé…

Puis, Il a une dizaine de jours, la rumeur a commencé à courir, confirmée par des sources fiables. ” Ils veulent passer à un méga !”. Auparavant on parlait de 512 ou même de 256 kilobits/s. ” On est entrain de faire des tests, c’est pour ça qu’on n’en parle pas ” avait chuchoté une personnalité de l’OPT. L’OPT vient même de lancer des communiqués pour l’annoncer. Le Bénin est passé à un méga (c’est à dire 1024 kilobits/s) à travers une liaison de l’opérateur américain Câbles and Wireless ! Du coup, le débit national égale celui de chacun des fournisseurs d’accès togolais ; il n’est plus “que” 40 fois inférieur à celui du Sénégal, et dépasse celui d’autres pays comme le Niger, le Mali, tout en se rapprochant de celui du Burkina-Faso. A l’intérieur du pays, de nouvelles perspectives s’ouvrent pour l’internet. Ceci est déjà palpable d’autant plus que l’OPT n’a pas seulement augmenté le débit, mais a également, grâce à l’acquisition de nouveaux équipements, amélioré la qualité de la connexion qu’il fournissait à ses abonnés (en particulier les abonnés en RTC, Réseau Téléphonique Commuté – autrement dit les abonnés via la ligne téléphonique ” ordinaire “). Il est possible désormais que 240 clients se connectent simultanément à son serveur. La vitesse de connexion a été aussi améliorée. Enfin le coût de la ” communication internet ” qui était de 51F la minute est passé au coût de la communication locale, 66 F toutes les trois minutes, comme l’appliquent les fournisseurs d’accès privés! Le coût de l’internet via l’OPT est ainsi réduit de plus de 50 % en ce qui concerne la communication ! 
Toutes ces évolutions sont également à l’actif du nouveau ministre des nouvelles technologies qui commence ainsi à illustrer sa volonté de faire progresser le Bénin dans le secteur.
Il faut aussi féliciter les acteurs du secteur des NTIC qui par leurs critiques ont contribué à ces changements.

Mais…

Mais, tout n’est pas encore rose et de nouveaux enjeux émergent déjà. 
En effet, s’il est vrai que l’acquisition de nouveaux équipements par l’OPT améliore le confort dans la navigation, cela ne signifie pas que les abonnés via le réseau téléphonique navigueront à grande vitesse : cette vitesse dépend des capacités de leurs modems. En outre, les abonnés des fournisseurs d’accès privés ne bénéficieront pas de façon automatique de ce confort, puisque les fournisseurs d’accès bénéficient toujours d’une connexion à 64 kilobits/s et doivent au préalable améliorer la qualité de la transmission entre leurs clients et eux. Par exemple, le nombre de voies d’accès sur leur serveur devra être augmenté afin que l’accès au serveur de l’OPT ne soit pas plus aisé qu’au leur. S’ils ne réajustent pas leurs services, se connecter via l’OPT sera plus confortable actuellement que le faire via un autre fournisseur. Le public abonné en RTC ne pourra jouir d’un débit dépassant 56 kilobits/s que lorsque des technologies ou services comme le RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Service) seront mis en service. Et là, l’OPT est bien parti gagnant puisque seul un opérateur téléphonique peut mettre en place le RNIS….Mais le public peut jouir de connexion à haut débit via les connexions par ondes radios ou par satellite que des fournisseurs peuvent mettre en place. Implication, c’est surtout dans les cybercentres qu’on pourra naviguer à haut débit.

Mais au préalable, il faudra d’abord que l’OPT offre aux fournisseurs privés une connexion dépassant 64 kilobits/s. Comment ces mesures se mettront-elles en œuvre ? L’OPT devra mettre en place le plus tôt possible de nouvelles offres, notamment en ce qui concerne les liaisons spécialisées : quels seront les débits proposés et quels seront les coûts ? Là se situent d’autres enjeux. Il est déjà attesté que ses coûts étaient élevés. Les nouvelles offres (qui sont selon certaines informations sont en étude) devront tenir compte de cette situation. Et plus vite elles seront mises en service, plus rapidement les fournisseurs privés réajusteront leurs services pour faire face à l’offre envisagée du service RNIS par l’OPT.

Mentionnons que, curieusement, malgré la mise en place des fibres optiques entre Cotonou et Parakou, certains abonnés (cas des utilisateurs de Dassa) affirment qu’il leur est plus difficile de joindre les serveurs de leurs fournisseurs (FirstNet notamment). Depuis Porto-Novo, certains abonnés affirment que la situation ne s’est pas réellement améliorée. Pourquoi cette situation ? Mentionnons aussi que FirstNet envisagerait d’augmenter ses coûts. Quels sont les raisons de cette situation ? Est-ce une mesure entrant dans le cadre des évolutions dans le secteur ?

Des bouleversements en perspective

De toute évidence, le secteur des NTIC au Bénin connaîtra bien des bouleversements. Des travaux sont entrain d’être effectués pour que la qualité de la liaison s’améliore entre les fournisseurs privés et l’OPT, car bien que ceux-ci jouissent officiellement d’un débit de 64 kilobits/s, ils n’atteignent presque jamais ce débit du fait de la qualité des installations. En supplément à tout ceci, l’OPT promet de passer à 4 méga avant la fin de l’année ! Les travaux entrant dans le cadre du projet international de câbles sous-marins à fibres optiques SAT3/WASC/SAFE auquel participe l’OPT (voir bulletin Orit@ N° 15 publié par l’ONG ORIDEV) et ses propres projets de développement de l’infrastructure NTIC national devraient permettre de faire évoluer les NTIC au Bénin. Nous espérons que tous les acteurs sociaux sauront saisir cette opportunité de développer leurs activités ! Puisse l’OPT conduire harmonieusement ses projets afin qu’ils puissent réellement se concrétiser et que nous n’attendions pas trois autres années avant de bouger. Nous espérons enfin que le Bénin pourra désormais jeter la lanterne rouge qu’il adore tant, si nous le comparons aux autres pays de la sous-région. Le Ministre de la Communication et des Technologies Nouvelles, Gaston ZOSSOU, qui selon certains aurait bénéficié d’un ministère peu important pour le pays, a ainsi l’occasion de montrer qu’il est aux commandes de la locomotive qui permettra au Bénin de commencer à émerger du sous-développement. 

Ken Lohento

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