Après la Chine et l’Inde, c’est au tour de l’Afrique de se réveiller

Le continent noir connaît une croissance plus forte que n’importe quelle autre partie du monde

«Oubliez la Chine! Investissez en Afrique!» Pour Plamen Monosvski, du groupe russe Renaissance, c’est une évidence: le continent noir, actuellement, lui rappelle la puissance asiatique qui émergeait en 1999. «Si vous avez manqué le train de la Chine à l’époque, ne refaîtes pas la même erreur à présent!» lance-t-il dans une interview à Bloomberg TV.

Un boom africain? Vraiment? Eh bien oui. Le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist en fait même sa page de couverture. Car les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le continent noir connaît une croissance économique plus forte que n’importe quelle autre partie du monde. Depuis dix ans, six pays africains figurent au «top 10».

 

Premiers milliardaires

Une douzaine d’Etats ont connu une croissance de 6% depuis au moins six ans. Et le FMI prédit qu’ils vont rester sur cet élan l’année qui vient, malgré la crise qui frappe de plein fouet l’hémisphère Nord. Mieux: certains pays du continent noir devraient friser les 10%. Bref, il va falloir s’y faire. Alors même que les «tigres asiatiques» grondent encore, le «lion africain» vient bel et bien de se réveiller.

Tout un symbole: l’Américaine Oprah Winfrey, animatrice vedette de télévision, n’est plus la seule milliardaire noire au monde. Elle vient d’être détrônée par un certain Alike Dangote, roi du ciment au Nigeria. Mais le vrai changement, qui bouleverse la donne au sud du Sahara, c’est l’émergence d’une classe moyenne. D’après la Standard Bank, il y aurait à présent 60 millions de foyers vivant avec plus de 3000 dollars par année. C’est-à-dire 2800 francs. Et on estime qu’ils seront 100 millions en 2015. Déjà, 300 millions d’Africains gagnent plus de 650 francs par an. Pas énorme, c’est sûr. Mais cela en fait déjà une classe de consommateurs. Et donc un vaste marché.

Evidemment, les «afro-sceptiques» diront que le «boom» est illusoire, que les chiffres de progression ne sont élevés que parce que le continent part de très bas. La majorité du milliard d’Africains vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de deux dollars par jour. Sur mille enfants, 118 ne fêteront jamais leur cinquième anniversaire. Et dans certains pays, l’espérance de vie des adultes est inférieure à 50 ans. Sécheresses et famines frappent toujours le continent. Ni la désertification ni la déforestation n’ont été enrayées. Et quand malgré tout il y a de la croissance économique, elle est trop souvent captée par la caste dirigeante. Mais surtout, cette croissance ne serait due qu’à la hausse des prix des matières premières, dont la Chine est si friande. Que restera-t-il de ce «boom» si la demande s’essouffle et si les prix retombent?

Eh bien justement, rétorquent les optimistes, l’Afrique peut mieux rebondir qu’avant. Car les prix des ressources naturelles n’affectent en réalité qu’un tiers de la croissance. «C’est toute l’économie qui se développe», se réjouit Mo Ibrahim, multimillionnaire d’origine soudanaise qui a fait fortune dans la téléphonie mobile. Au sud du Sahara, on compte à présent 600 millions d’utilisateurs de cellulaires. Davantage que les Etats-Unis et l’Europe.

Nouvelle donne

En quelques années, la donne a fondamentalement changé. Fini le temps du «continent sans espoir», frappé de tous les maux: guerres civiles, instabilité politique, insécurité alimentaire, sécheresses, épidémies, misère et corruption. Or, en vingt ans, l’Afrique a connu pas moins de trente alternances politiques pacifiques. Le commerce avec l’extérieur du continent a plus que doublé. Les déficits budgétaires diminuent, l’inflation aussi. Du coup, la relative stabilité permet d’ouvrir l’immense marché des infrastructures (routières par exemple) aux investisseurs chinois, brésiliens, indiens ou encore russes.

Bref, pour la Banque mondiale, l’Afrique est à la veille d’un véritable décollage, un envol comparable à celui de la Chine puis de l’Inde. Pourvu qu’il n’y ait pas, cette fois-ci, de crash!

Source: Tribune de Genève –   le 26.12.2011 à 15:16

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