Rentrée au Bénin en 2016, Claude Borna est aujourd’hui Directrice générale de l’Agence de Développement de Sèmè City, dont la mission est de concevoir et de mettre en œuvre la Cité internationale de l’Innovation et du Savoir. Une responsabilité que lui a confiée le Président Patrice Talon, auprès duquel elle est chargée de mission. Un poste stratégique avec de nombreux projets à réaliser pour accroître l’attractivité du pays. Rencontre à Emerging Valley.
Claude Borna – Sèmè City est l’un des 45 projets phares du Plan d’action du gouvernement et j’y travaille depuis que je suis rentrée de Londres en 2016. Lancée dans le cadre du « Bénin Révélé », un programme sans précédent d’investissement et de développement, Sèmè City est un projet unique en Afrique. À travers Sèmè City, le Bénin souhaite former une nouvelle génération de talents et favoriser l’éclosion de nouveaux modèles de croissance inclusive et durable fondés sur l’innovation Made in Africa. L’enjeu est clair : répondre aux défis économiques du Bénin et plus globalement de l’Afrique, pour offrir des opportunités d’avenir à la jeunesse du Continent. D’ici à 2030, près de 200 000 apprenants auront bénéficié des programmes de formation de Sèmè City, et plus de 190 000 emplois directs et indirects auront été créés.
Comment est né ce beau projet ?
Vous êtes aujourd’hui à la tête de la Cité de l’Innovation et du Savoir du Bénin. Que pouvez-vous nous en dire ?
Claude Borna – Sèmè City est parti d’un constat : nous nous sommes rendus compte que les initiatives au niveau de l’éducation, de la recherche ou de l’entrepreneuriat n’arrivaient peut-être pas à faire le pont pour le passage à l’échelle. Il fallait regrouper tout ce beau monde dans un endroit pour permettre d’accélérer les initiatives d’innovation, de pouvoir passer à l’échelle et d’avoir un impact socio-économique.
Cette éco-cité se construit par phases successives sur 200 hectares dans une zone péri-urbaine à Sèmè-Podji, stratégiquement située en bordure de mer, juste à côté de Cotonou et à 5 km seulement de la frontière du Nigeria. Cela nous permet aussi de faire le lien entre les mondes francophone et anglophone en Afrique.
Sèmè City s’inscrit dans un concept de ville intelligente africaine, utilisant des innovations technologiques, tout en intégrant pleinement les atouts et les particularités de son environnement.
Quel est l’objectif premier de Sèmè City ?
Claude Borna – Au Bénin, on se positionne comme un laboratoire à ciel ouvert ! Même si nous sommes conscients que monter des solutions innovantes en Afrique aujourd’hui, c’est difficile. On a donc besoin d’impliquer un grand nombre d’acteurs, en leur disant : venez construire avec nous une éco-cité qui est basée sur tous ces principes. Respectons notre environnement naturel, voyons ce qui marche et ce qui ne marche pas, faisons-le ensemble et faisons-le vite parce que les enjeux s’aggravent. Construisons ensemble une Cité qui a un sens. C’est cela la ville intelligente. L’Etat béninois, qui a bien compris l’importance de cette vision là, catalyse Sèmè City et finance ce projet en grande partie, même si on fait appel aussi à des partenaires du secteur privé.
« L’innovation, c’est l’affaire de tous et non
exclusivement des chercheurs qui ont Bac +12 ! »
Au départ pourtant, c’était un projet un peu irréaliste…
Claude Borna – Pour imaginer Sèmè City, on avait fait appel à une société de Singapour, spécialiste des technopoles. C’était très beau, on avait une très belle maquette. On a regardé tout cela et on s’est dit : on va construire cela avec quel argent et pour qui ? Combien de temps va durer cette histoire là ? Cela va coûter tellement cher que je ne sais pas qui va venir y investir…
C’était en décembre 2016 et, depuis, il n’y a jamais eu de nouvelle plaquette ou un Master Plan de Sèmè City, car cela était totalement irréaliste. Pour nous, il était hors de question que cette Cité de l’Innovation se plante au milieu d’un environnement et que les gens regardent de loin en disant : que sont-ils en train de faire derrière ces murs ? Cela n’aurait aucun sens.
Une approche complètement différente et ouverte s’impose. Il faut se voir à plusieurs : secteur public, secteur privé, acteurs académiques, les start-up qui viennent bousculer un peu les choses et les chercheurs qui sortent de leur tour d’ivoire… Car l’innovation, c’est l’affaire de tous, et non exclusivement des chercheurs qui ont Bac +12 ! C’est un effort collectif.
Quel a été votre parcours pour occuper aujourd’hui de telles responsabilités ?
Claude Borna – J’ai fait mes études aux États-Unis et au Canada, où j’ai décroché un MBA de l’UCLA (University of California in Los Angeles) et un Bachelor en Marketing de la Mc Gill University. J’ai vécu à Londres, où j’ai travaillé pour Deloitte, puis Amazon pendant plusieurs années avant d’être en charge de l’innovation au sein de Sony Pictures.
Et ce n’est pas votre première participation à Emerging Valley ?
Claude Borna – J’étais déjà là l’année dernière. Je connais bien Samir Abdelkrim pour lequel j’ai beaucoup d’affection, car c’est l’un de tout premiers, si ce n’est le premier, qui ait fait un papier sur Sèmè City, alors encore au stade de la conception. Et, depuis, il nous accompagne.
C’est donc pour moi tout à fait normal que je sois là. D’autant plus Sèmè City a aujourd’hui quatre principaux partenaires, dont Epitech Bénin, l’école de référence en expertise informatique, et Africa Design School, la première école offrant un Bachelor en Design Numérique en Afrique de l’Ouest. Sa prochaine promotion sera sur les villes durables. Or, les Smart Cities, c’est le thème de cette troisième édition d’Emerging Valley.
Propos recueillis par Bruno FANUCCHI, AfricaPresse.Paris
@PresseAfrica – Source : Site Africapress
Date de publication : 14 décembre 2019