(Mécanisation Agricole) – Location de matériels agricoles facilitée par les TIC: une opportunité

Un nouveau service agricole facilité par les technologies de l’information (TIC), WeFarmUp.com, a été lancé en France en octobre 2015. Il s’agit d’une plate-forme de location de matériels agricoles à l’image des plates-formes d’offre de services entre particuliers Blablacar.fr (covoiturage), Airbnb.com (location d’appartements), drivy.fr (location de voitures). C’est apparemment une première au niveau mondial et l’Afrique peut s’en inspirer et l’adapter.

WeFarmUp.com permet à un propriétaire de matériels agricoles de proposer son bien contre rétribution journalière à un autre agriculteur qui en a besoin. Loueurs et propriétaires tirent donc bénéfice de ce service. Un certain nombre de facteurs sont à la base de l’émergence de ce nouveau service. Il s’agit notamment de la sous-utilisation des matériels agricoles (certains matériels comme les charrues ne s’utilisant que quelques semaines par an sur les petites exploitations en France), le coût élevé des machines agricoles pour les petits exploitants, la cherté de la vie, ainsi que le développement de l’économie de partage facilitée par la forte démocratisation des outils numériques de communication. Un service d’assurance est disponible à travers un organisme tiers, pour assurer le bien loué.

Matériels agricoles

On peut se demander s’il ne s’agit pas là d’un créneau pouvant aussi offrir des opportunités en Afrique aux entrepreneurs e-agricoles (s’intéressant au secteur TIC et agriculture, l’e-agriculture) ou aux entrepreneurs technologiques dans un sens plus large. Certes, le contexte est différent et les obstacles multiples. Les propriétaires individuels de machines agricoles sont rares dans la plupart des pays africains. L’utilisation de ce service tel qu’offert en France nécessite l’usage d’un smartphone ou d’un ordinateur connecté alors que l’accès à l’internet via le mobile ou le fixe est toujours faible en Afrique (malgré 41% de pénétration de la téléphonie mobile suivant les abonnés uniques et 77% de pénétration si l’on considère le nombre de cartes SIM). En outre et peut-être surtout, la location de produits ou services entre particuliers en Afrique peut être freinée par la peur de la dégradation non compensée du matériel concerné, alors que les services d’assurance dans ce domaine sont peu présents. 


Un autre modèle économique 

Mais il est sans doute possible d’imaginer un autre modèle économique pour ce type de services en Afrique. Il faut noter que les raisons à la base de la mise en place de cet outil en France, sont, dans une mesure différente, aussi pertinentes pour l’Afrique. Il existe une diversité de machines agricoles qui peuvent faire l’objet de location (y compris dans le cadre de la transformation des produits) : charrue, trieuse, presse, tracteur, remorque, batteuse, pulvérisateur, semoir, etc. En outre, l’agriculture africaine est grandement sous-mécanisée. On peut penser que le contexte socio-technique est très différent de la France, mais l’Afrique, c’est aussi un ensemble varié de pays, du Niger à l’Afrique du Sud, en passant par le Kenya ou l’Egypte, avec des économies et possibilités différentes. L’offre de ces services peut rencontrer moins d’obstacles dans certains pays. Il peut aussi s’agir de services B2B (entre entreprises ou coopératives agricoles) ou B2C (entre entreprises/coopératives et exploitants individuels ambitieux). Le service peut être étendu à l’échelle nationale ou régionale. Le service peut-être fourni par une structure publique, même si certains douteraient alors de son efficacité. Un tel usage facilité par les TIC en Afrique n’est pas exotique. Déjà, la start-up Hello Tractor met en place au Nigeria un service de location de tracteurs, en tirant profit de la géolocalisation pour faciliter le traçage du matériel loué, avec usage de SMS. Pour contourner les risques de dégradation et aussi faire face au manque de connaissances de l’utilisation de certaines machines agricoles, on peut proposer la location du matériel avec un technicien qui sait le manipuler. Il faut aussi s’inspirer des expériences de l’économie de partage qui se tentent dans d’autres secteurs en Afrique. 


Dans tous les cas, il s’agit d’un créneau de développement de services TIC que les jeunes développeurs et entrepreneurs technologiques (ou autres) devraient aussi explorer. Dans bien des cas, on peut noter un certain manque d’originalité des applications proposées jusqu’à présent dans le secteur agricole. Elles concernent souvent, par exemple, la mise en relation d’acheteurs et producteurs de manière généraliste sans vraie différentiation (géographique, type d’acteurs agricoles, types de produits, canal de distribution, etc.) à l’intérieur d’un même pays. Les vraies innovations répondant à des besoins précis et capables d’apporter de la vraie disruption sont encore rares. Mais ce marché et ses acteurs sont encore jeunes.  Il faut espérer que la bonne connaissance progressive du secteur agricole par les entrepreneurs technologiques, l’intégration dans les équipes de profils agricoles et l’offre de ces services à valeur ajoutée par des institutions agricoles pourront changer la donne.

Ken Lohento (28 février 2016 – Rédigé initialement pour partager, avec les jeunes entrepreneurs technologiques avec lesquels je collabore, une idée de service à explorer – Image – Image Centre Songhai)

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