ONG et appropriation des technologies modernes de communication en Afrique : approche historique et critique

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Ce texte a été présenté au colloque international Africanti:
” Les fractures numériques Nord/Sud en question : Quels enjeux ? Quels partenariats ?

(Ken Lohento)

INTRODUCTION
LES ACTEURS
PROBLEMATIQUES
CONCLUSION

INTRODUCTION

Ce document se propose d’examiner l’activité d’appropriation des TIC par les ONG en Afrique, depuis les débuts de l’ère internet sur le continent . Il s’agit d’un texte à la fois historique et analytique, qui rendra compte de l’action globale de la société civile et présentera quelques problématiques posées.

La communication de développement à l’ère de l’internet

Le cadre théorique dans lequel s’intègre essentiellement la promotion des TIC en Afrique, est la communication de développement. En effet, depuis les années 1970, la communication a toujours été perçue et utilisée sur le continent, comme un outil pouvant appuyer ou même engendrer le développement socio-économique. Si les institutions internationales telles l’UNESCO, la FAO ont largement été les promoteurs de cette espérance, de concert avec les intellectuels, planificateurs de développement et politiciens africains, l’efficacité économique du concept est loin d’être évidente quand bien il ne semble pas vide de pertinence . Cela n’est pas sans nous rappeler le paradoxe de Solow, c’est-à-dire ” l’échec persistant d’un résultat positif dans l’investissement dans les TIC à se manifester dans les chiffres de la productivité ” économique. Toutes les techniques de communication survenant deviennent les vecteurs de cette nouvelle espérance. Ainsi, après la radio, la télévision, la vidéo, l’ordinateur, les satellites, des espoirs sont portés sur l’internet, même si l’attente du miracle semble révolue. Que ce soit pour la mise en place de listes de diffusion, de télécentres, ou dans le travail quotidien et multiforme des organisations non gouvernementales, toutes les fonctions et potentialités de l’internet et des technologies de l’information modernes sont sollicitées.

L’intervention de la société civile en Afrique

Bien qu’il y ait une forte tradition associative depuis toujours dans beaucoup de pays africains , cette pratique a connu une visibilité internationale et un nouveau boom à partir des années 1980, suite à la mise en place des programmes d’ajustement structurel et aux discours controversés sur la réduction du rôle de l’Etat . De fait, qu’elle provienne d’une initiative endogène ou exogène, l’intervention de la société civile dans la gestion de la communauté se trouve justifiée et pertinente, d’autant plus qu’il apparaît manifeste que les ressources publiques sont moins abondantes et que des processus de démocratisation et de décentralisation sont mis en oeuvre. Il faut préciser qu’en général dans beaucoup de pays africains, les associations se dénomment indifféremment association ou ONG. Nous utiliserons l’une ou l’autre de ces termes, par pragmatisme. Nous parlerons aussi parfois d’OSC (organisations de la société civile).
L’action des organisations non gouvernementales africaines travaillant dans le champ des technologies de l’information et de la communication s’inscrit dans ce cadre général. Elle devient très pertinente du fait des importants enjeux dont sont porteuses les TIC en cette ère de mondialisation économique et sociétale. Ces organismes sont de trois sortes : celles qui sont spécialisées sur la promotion de ces technologies, celles qui ont d’autres objectifs, mais cherchent à se l’approprier en vue du renforcement de leurs actions et, au milieu, celles qui ne sont pas spécialisés, mais disposent de programme(s) structuré(s) et permanent(s) sur le sujet. Nous allons traiter essentiellement de la première catégorie.
On peut penser que la plupart des organismes de la société civile africaine, utilise aujourd’hui les TIC, depuis l’informatique jusqu’à l’internet, même si la fréquence et l’intensité d’utilisation ainsi que les services exploités varient d’une extrémité à l’autre. Certains n’utilisent que le courrier électronique dans des télécentres, ou par le biais de connexion d’amis ou parents, alors que d’autres sont habituées à la vidéoconférence, et disposent de connexions permanentes à l’internet. Certains sont spécialisés sur la promotion des TIC alors que la plupart ont juste une utilisation fonctionnelle de ces technologies.
Trois raisons majeures semblent avoir été les cadres motivants de l’utilisation des nouvelles technologies par les ONG en Afrique dès les années 1980. Il s’agit de la nécessité de pallier aux contraintes des moyens de communications traditionnelles (route, poste, téléphone, etc) entre partenaires situés dans des régions distantes, des concertations internationales entre ONG, telles celles organisées en ligne avec l’appui de l’APC, en prélude à la préparation de la conférence sur le développement durable de Rio de 1992, et la répression politique (apartheid en Afrique du Sud par exemple) .
Nous avons examiné un certain nombre d’initiatives dont nous avions la connaissance, en Afrique francophone mais également anglophone.

LES ACTEURS

Il existe probablement des centaines d’ONG dont l’action porte sur les TIC en Afrique. Un grand nombre d’entre elles ont été mises en place à partir du milieu des années 1990, période coïncidant avec les débuts de l’internet sur le continent. La configuration humaine de ces nouvelles organisations se caractérise souvent par la jeunesse de nombre des membres et initiateurs, dans beaucoup de cas des étudiants ou anciens étudiants. Ce sont également des personnels d’entreprises, d’organisations internationales ou étatiques oeuvrant dans le domaine des technologies de l’information ou des enseignants. Quelques rares ONG telles SangoNet en Afrique du Sud, ont une antériorité située dans la période d’avant la pénétration de l’internet sur le continent (Esterhuysen, 2002) . Nous examinerons ces organisations sous différents angles : leur histoire, quelques actions menées, les problématiques auxquelles elles font face ou qu’elles induisent.

Les organisations seront essentiellement présentées à travers les réseaux formels ou informels auxquels elles sont affiliées ou à partir desquels elles ont émergé tels le Réseau ANAIS (sur lequel nous insisterons compte tenu de son rôle historique en Afrique de l’ouest francophone), les chapitres ISOC africains, la branche africaine de l’Association of Progressive Communication – APC – et ses partenaires. Quelques structures auxquelles nous ne connaissons aucune affiliation seront également mentionnées. L’objectif ici n’est pas de faire une recension exhaustive de toutes les ONG et associations intervenant dans le domaine.

LE RESEAU ANAIS
Historique

L’histoire du réseau ANAIS remonte à la conférence ” L’Afrique et les nouvelles technologies de l’information “, organisée par la Fondation du Devenir (FdD) à Genève (Suisse) les 17 et 18 octobre 1996. Cette conférence a été co-présidée par l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré et Guy-Olivier Segond, président du Conseil d’Etat de la République et Canton de Genève. La déclaration finale de la rencontre a proposé la mise en place d’un mécanisme de suivi, un réseau consultatif, à mettre à place par la Fondation du Devenir, qui ” facilitera la formulation et la mise en oeuvre de stratégies cohérentes visant à assurer une utilisation effective et efficace des NTI [Nouvelles Technologies de l’Information] en Afrique au profit du plus grand nombre ” et ” fonctionnera en étroite collaboration avec tous les partenaires impliqués dans le développement des NTI en Afrique “. Elle devrait aussi s’efforcer de promouvoir les TIC dans des domaines spécifiques, tels la santé, l’environnement, les droits de l’homme, l’économie populaire. Il a été prévu deux nœuds du réseau, l’un à Genève hébergé par la FdD et l’autre à Bamako (Mali). Ce réseau sera dénommé ANAIS www.anais.org (Advisory Network for African Information Strategies ).
Du 15 au 19 décembre 1997, la première réunion de travail du réseau a eu lieu à Bamako, avec pour objectifs la définition des objectifs de son fonctionnement, des méthodologies d’action et l’identification des personnes ressources (physiques et morales) susceptibles de participer au réseau. Une vingtaine de participants de divers secteurs (ONG, gouvernement, recherche, privé), provenant de deux pays européens et de huit pays africains y ont pris part . Le processus de mise en place des antennes nationales a ainsi démarré. Le plan directeur des premières actions a identifié, entre autres, la création de contenus, la collecte de fiches d’expériences, la réalisation d’études sur l’état des TIC dans les pays associés comme premières actions du réseau. Le ” Groupe Europe ” piloté par la Fondation du Devenir (composé aussi des associations françaises Globenet et Vecam) avait pour tâches essentielles la recherche des financements et de partenaires internationaux, la visibilité internationale du réseau, la coordination internationale des actions, à titre temporaire. Le ” Groupe Afrique “, avec son pôle malien, devait progressivement se formaliser par la création d’associations ou de points ANAIS dans les différents pays, une souplesse d’organisation étant laissée à chaque pays ; il était également responsable de la mise en place des activités au plan local. Les participants ont suggéré la création d’une organisation internationale avec les deux pôles Afrique et Europe (se référer au compte-rendu de la rencontre).
Après la rencontre, des correspondants nationaux ont été recrutés dans les pays ayant participé à la rencontre (à l’exception du Gabon) avec pour tâche la réalisation d’une étude sur la situation des TIC dans le pays et le lancement de l’antenne locale. Ainsi, à partir de 1998, en dehors de ANAIS-Bamako, des antennes ont été créées au Bénin, au Burkina Faso, au Sénégal, en Guinée Conakry (ISOC- Guinée) . En Côte d’Ivoire et au Ghana des antennes ne virent spécifiquement pas le jour, mais des corresponds ont été désignés, tout comme au Cameroun (Agro-PME). Les antennes ANAIS ont été mises en place soit dans des structures en construction, soit nouvellement créées, soit pré-existantes. Le réseau s’élargira progressivement à partir de ce moment et d’autres structures le rejoindront à partir de 1999, du Sénégal (projet SIP du CRESP et Enda-Cyberpop) du Cameroun (ANAIS-Cameroun et WAGNE-Internet), du Burkina Faso (RIFOD et Toile du Sahel) et de la Mauritanie .

Activités

De multiples activités d’envergure ont été mises en place dans les antennes nationales et sur le plan international. Il convient de préciser que les activités réalisées par les antennes n’étaient pas exclusivement liées au réseau ANAIS. Elles ont (et se devaient d’avoir) d’autres partenaires, d’autres activités, de façon indépendante. Les activités que nous mentionnons ici n’étaient donc pas toutes liées aux financements obtenus par ANAIS. Ceux qui lui sont propres étaient ponctuels (d’une durée de quelques semaines à un an), non permanents, et ont concerné tous les domaines : la création de contenus, la réalisation de fiches d’expériences locales, la mise en place d’équipes de formation aux TIC (” Cellules de proximité “), la vigie (dispositifs d’information et de veille sur les TIC), l’information-sensibilisation (conférences, ateliers), l’appui à la mise en place de centres d’accès aux TIC, la réalisation d’études. Les antennes avaient la liberté de participer aux projets qui convenaient à leur champ d’actions, et, de fait, elles ne menaient pas les mêmes activités au niveau local. Les financements majeurs du réseau provenaient de la coopération Suisse, de l’Agence de la Francophonie, de la Banque Mondiale et étaient gérées par la FdD.
Au niveau international, le réseau a pu organiser des activités très connues comme la rencontre internationale Bamako 2000 organisée en février 2000 (voir le site ANAIS), l’édition du CDROM ” Bamako 2000 : les passerelles du développement ” d’importantes informations sur les TIC en Afrique et dans les pays du Sud, l’organisation d’actions ponctuelles en Europe (sans la participation de toutes les antennes), comme celle ayant porté sur la mise en place de la politique nationale des TIC de Mauritanie en 2001 (!), la participation à d’autres manifestations afin d’assurer la visibilité du réseau, l’organisation (ou la co-organisation ?) de la rencontre Bamako 2002 en mai 2002, rencontre préparatoire africaine du Sommet Mondial de la Société de l’Information SMSI . Le tableau sur la page suivante donne un aperçu de quelques activités menées au niveau local par les partenaires locaux avec ou sans financement ANAIS , avant et après 2000. Les activités sont données à titre indicatif. Certaines des organisations s’impliquent dans la préparation du SMSI.

PAYS ET ORGANISATION
QUELQUES ACTIVITES
Association Oridev (Bénin)
Coordination et organisation de plusieurs éditions de la fête de l’internet depuis 1999, mise en place d’une unité de formation aux TIC, mise en place d’un cybercentre pour les jeunes (PAJE), organisation de plusieurs conférences sur les TIC au Bénin, édition d’un bulletin électronique mensuel sur les TIC au Bénin – Orita -, collecte et études sur les TIC au Bénin, etc.
Yam-Pukri (Burkina Faso)
Création de 6 centres d’accès à l’informatique et aux TIC, collecte et études sur les TIC au Burkina, organisation de la fête de l’internet, organisation de forums électroniques entre jeunes suisses et du Burkina, édition des sites www.burkina-ntics.org et www.faso-ong.org etc.
RIFOD (Burkina Faso)
Etude sur les TIC au Burkina, etc, réalisation de contenus multimédia sur le web et sur CDROMs, productions audiovisuelles, organisation d’une rencontre régionale sur la production de contenus multimédia (initiative DevNet), etc.
Toile du Sahel (Burkina Faso)
Compte-rendu local de la rencontre Bamako 2000, etc.
OSIRIS (Sénégal)
Collecte d’informations et études sur les TIC, lobbying, édition depuis 1999 d’un bulletin électronique d’informations sur les TIC au Sénégal – Batik, organisation de la caravane multimédia à travers le Sénégal, participation à différentes opérations sur les TIC au Sénégal, etc.
ISOC- Sénégal (Sénégal)
Entre autres, organisation de la fête de l’internet au Sénégal, organisation de rencontres sur les TIC, formation, participation à des rencontres internationales ISOC, etc.
ISOC – Guinée (Guinée)
Mise en place d’une cellule de formation aux TIC, mise en place d’un centre ANAIS, organisation d’un atelier international de création de contenus, études et collecte d’informations sur les TIC en Guinée, etc.
WAGNE – Internet (Cameroun)
Collecte d’informations sur les TIC au Cameroun pour ANAIS, formation aux TIC, ascpoint d’accès aux TIC, hébergement de sites, etc.
ANAIS-Bamako (Mali)
Organisation de la fête de l’internet, formation aux TIC, création de clubs ANAIS, etc.
Anais-Cameroun (Cameroun)
Collecte d’informations sur les TIC au Cameroun pour ANAIS, etc.

Anais aujourd’hui

Au cours d’une réunion de travail en 2000, la Fondation du Devenir a annoncé qu’elle n’était plus en mesure de coordonner le réseau, et laissait aux africains la liberté de s’organiser. Dans le même temps, les projets menés par le réseau en tant que collectif étaient arrivés à terme. Cette annonce surprit grandement les associations africaines, qui ne s’y attendaient pas toutes. Elle tombait mal parce que le réseau n’avait pas eu l’opportunité de se consolider. Depuis fin 2000, il a cessé de fonctionner en tant que collectif, même si la plupart des associations ont participé à la rencontre Bamako 2002, organisé ou co-organisé officiellement par ANAIS. La non mise à jour du site de 2001 jusqu’aujourd’hui en est aussi l’illustration et de façon objective, on peut se demander si le réseau existe encore ou si il aura encore l’opportunité de se relever de sa léthargie.
Malgré cette situation, les acquis du réseau restent déterminants. Il a créé une grande dynamique ayant favorisé la mise en œuvre d’importantes initiatives d’appropriation sociale des TIC en Afrique, en particulier en Afrique de l’Ouest francophone. Son rôle en tant que catalyseur des initiatives de départ est donc incontestable. Aujourd’hui, chacune des associations poursuit son chemin. Cette expérience peut déjà servir de leçon à divers points de vue.

Tableau : Quelques activités menées par le réseau ANAIS et ses partenaires avec ou sans financement ANAIS
Nous insistons sur le fait que toutes ces activités n’ont pas été réalisées dans le cadre de ANAIS puisque certaines ont été menées avec d’autres partenaires, sans implication du réseau ; l’objectif ici est de rendre compte de la dynamique de ces associations. ENDA Tiers-Monde (projet Cyberpop), sera présenté dans une autre section.

LES CHAPITRES ISOC AFRICAINS

L’Internet Society est une association internationale de droit américain, qui œuvre pour la promotion et l’évolution des réseaux informatiques et de l’internet en particulier. C’est un organisme travaillant surtout sur la technique à travers ses différentes institutions filles. Elle a été officiellement fondée en janvier 1992, après sa première réunion annuelle INET, en juin 1991.
Pour favoriser la réalisation de l’un de ses vœux majeurs ” L’internet pour tous “, ISOC international a suscité la création de chapitres internet un peu partout dans le monde, et organise chaque année lors de ses conférences annuelles INET, des ateliers de formation, dont en particulier le ” Developing Countries Workshop ” destiné à la formation de techniciens des pays en développement. Ainsi depuis INET’92 au Japon, des professionnels africains ont été formés aux technologies de l’internet. Des chapitres africains ISOC ont également vu le jour et plus d’une trentaine de pays africains en disposaient en 2001, de l’Egypte à l’Afrique du Sud en passant par le Maroc (premier chapitre africain), le Sénégal, le Togo, le Bénin, le Ghana, le Cameroun, l’Ouganda (Kamel, 2001) .
En général, les chapitres ISOC africains semblent moins engagés sur la sensibilisation du grand public que d’autres associations locales. Ils interviennent surtout dans la formation et dans la technique, ce qui correspond au rôle historique d’ISOC internationale. Tout comme elle, la plupart des chapitres participent à la fête de l’internet, organisée depuis 1998 dans le monde entier et dont l’objectif est la sensibilisation du grand public sur les technologies de l’information et leurs enjeux (voir infra). Des axes sur lesquels leur intervention est très décisive est le lobbying et la mobilisation pour la présence d’africains dans les instances de gouvernance internationale de l’ICANN , l’organisation des réunions de formation sur la gestion des réseaux tels les ateliers AFNOG (African Network Operators’ Group), la création du registre africain de l’internet AfriNic www.afrinic.org.
Les chapitres africains se rencontrent au moins une fois l’année, non seulement dans le cadre des rencontres annuelles INET pour lesquelles ils reçoivent en priorité certains financements, mais également dans différents cadres régionaux (par exemple lors des ateliers de formation régionaux INET, organisés parfois en Afrique et des formations AFNOG).

APC-AFRIQUE ET SES PARTENAIRES

Le réseau APC (Association for Progressive Communications) a été créé en 1990 par sept organisations internationales : Institute for Global Communications (Etats-Unis), GreenNet (Grande Bretagne), NordNet (Suède), Web Networks (Canada), Alternex/IBASE (Brézil), Nicarao/CRIES (Nicaragua), et Pegasus (Australie). Il a pour objectif de mettre les TIC au service de la justice sociale et du développement sur tous les continents, avec un accent mis sur ceux du Sud. En réalité, GreeNet offrait déjà l’accès au courrier électronique depuis 1989 à certaines organisations du continent africain, notamment à travers l’association sud-africaine SangoNet (voir plus bas) qui devint, dès 1993, membre de APC. La branche africaine du réseau était ainsi créée.
Les services offerts par les membres de APC – Afrique sont en général la formation aux TIC, la fourniture d’accès et de services internet aux OSC, la création, l’hébergement de pages web, le lobbying. La plupart des membres sont spécialisées dans la promotion des TIC pour le développement. En dehors de SangoNet, il s’agit de structures comme la Fondation Fantsuam http://www.fantsuam.com/ (Nigéria), Arid Lands Information Network http://www.alin.or.ke/ (ALIN au Kenya), Enda-Tiers Monde http://www.enda.sn (Sénégal).
Examinons en particulier SangoNet (Southern African Nongovernmental Organisation network).
SangoNet a été créée en 1987 sous le nom de WorkNet, dans un contexte politique sud-africain marqué par l’apartheid et la répression des opposants (Esterhuysen, 2002) . Les organisations syndicales (en particulier le LERC – Labour and Economic Research Center) ont alors mis en place un réseau informatique leur permettant de communiquer en sécurité entre elles et vers leurs partenaires internationaux. Dans cette période pré-internet, les communications électroniques internationales (envois et réceptions en différé) étaient assurées à travers le réseau Fidonet de GreenNet. WorkNet (devenu SangoNet en 1993) offrait ainsi l’accès au monde extérieur aux organisations sud-africaines luttant contre l’apartheid, mais également à d’autres OSC de l’Afrique Australe. Avec la levée de l’embargo international sur le pays et la connexion à l’internet, des services internet à part entière sont offerts.
APC et ses partenaires, de façon collective ou individuelle, contribuent ainsi à l’émergence d’une société civile africaine performante dans l’utilisation des TIC pour le développement social. Les dernières actions notables du réseau sont l’institution du Prix Hafkin récompensant les initiatives mettant les TIC au service des communautés en Afrique ; l’organisation en novembre 2002 d’une réunion sur les OSC et la politique des TIC en Afrique à titre de manifestation de concertation dans l’optique du SMSI, le lancement d’un observatoire sur les politiques TIC en Afrique (Africa ICT Monitor Project), etc. Compte tenu de son histoire, le réseau œuvre beaucoup pour la promotion des droits en communication (se référer à son programme sur les droits de l’internet).

LA FIA ET SES PARTENAIRES

La FIA www.f-i-a.org, association Fête de l’Internet en Afrique, est une institution de droit gabonais à vocation africaine, créée à la suite de la première fête de l’internet organisée au Gabon en 1998. Il s’agit d’une manifestation internationale de vulgarisation de l’internet, initiée en France en 1998 et s’organisant dans le monde entier, généralement dans le mois de mars (voir le site international www.internet-fiesta.org). La FIA coordonne depuis 1999 de nombreuses initiatives d’organisation de la fête de l’internet dans les pays africains francophones. Elle collabore avec des ” correspondants ” (associations, individus ou autres organismes), répartis dans la plupart des pays francophones. Il s’agit de relais locaux de l’événement, qu’ils organisent ou contribuent à organiser. Elle appuie parfois certaines de leurs activités, à travers des financements obtenus auprès de partenaires comme la coopération française. Des rencontres internationales préparatoires de la fête ont déjà eu lieu au Burkina en 2001, au Bénin en 2002 et 2003. Ainsi grâce à son réseau, la FIA contribue depuis plus de cinq ans à la vulgarisation de l’internet sur le continent africain. Parmi les diverses associations collaborant avec elle, on compte des organisations comme l’ONG ACET (Association Culture Environnement et Technologie), FIA Niger, l’ONG ” Les Amis du Futur ” en Guinée, l’Association des Étudiants en Maîtrise en Informatique et Statistiques Appliquées de Madagascar (AEMISA), le Centre de Ressources Internet du Centre d’Education à Distance de la côte d’Ivoire , etc.

APPROCHE SECTORIELLE

Dans le cadre de l’utilisation de l’internet pour appuyer les autres secteurs de développement, les OSC africaines les plus actives et visibles sont celles oeuvrant sur la question genre, l’éducation, l’environnement, les droits de l’homme. La promotion des logiciels libres devient un domaine particulier d’actions. Nous présentons ici l’action des initiatives dans le domaine de l’éducation, de la question genre et de la promotion des logiciels libres.

SCHOOLNET AFRICA

SchoolNet Africa (SNA) est une organisation non gouvernementale africaine, qui promeut l’éducation à travers l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans les établissements scolaires du continent. SNA a mis en place un certain nombre de programmes pour atteindre ses objectifs : recherche sur les TIC dans l’éducation, création d’un réseau virtuel des enseignants africains avec pour objectif le renforcement de leurs capacités d’appropriation et d’exploitation des TIC (programme ATN – African Teacher’s Network), etc. Elle met en place ou collabore avec différents programmes internationaux mettant les TIC au service de l’éducation tels IEARN , Itrainonline (programme et plateforme de ressources sur la formation aux TIC en ligne) , Thinkquest Africa (répondant africain du projet international Thinkquest ), Global Teenager . SNA s’intéresse également aux logiciels libres. Il dispose de relais dans près de 30 pays africains , francophones comme anglophones, même si les activités sont plus développées dans les pays anglophones (en particulier l’Afrique australe où l’organisation a son siège social). Il a organisé du 28 avril au 03 mai un important atelier panafricain sur ” Les TIC dans les écoles africaines “.
A noter qu’outre l’anglais, une version en langue swahili du site de SchoolNet Africa était disponible ! Il est également prévu de le traduire totalement ou partiellement en français, arabe et portugais.

PROMOTION DES LOGICIELS LIBRES

Depuis la fin des années 1990, de nombreuses associations de promotion des logiciels libres ont été créées dans beaucoup de pays africains . L’Institut des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Formation (INTIF) de la Francophonie a également suscité des initiatives dans ce domaine, notamment avec ses programmes de formation , de création des laboratoires LabTIC et de distribution de pack de logiciels. Deux initiatives panafricaines (Association Africaine des Utilisateurs de Logiciels Libres – AAUL – et Free Software and Open Source Foundation for Africa – FOSSFA ) viennent d’être lancées. Dans certains cas, des logiciels ont pu été développés ou adaptés pour les besoins locaux (en Côte d’Ivoire ou au Maroc par exemple ).

GENRE ET TIC

En ce qui concerne la problématique ” genre et TIC “, le déclic a sans doute été la conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995. Les initiatives dans ce domaine sont nombreuses au niveau national et continental. On peut citer : Famafrique, programme SYNFEV de Enda Tiers-Monde, programme genre de ISOC-Bénin , WOUGNET (Femmes et TIC en Ouganda), ACWIT (le Centre africain sur femmes et TIC) et FEMNET basés au Kenya , etc.

Les OSC et le SMSI

La préparation des deux éditions du Sommet Mondial de la Société de l’Information (décembre 2003 à Genève et novembre 2005 à Tunis) mobilise beaucoup d’ONG et associations en Afrique. L’investissement sur le sommet dans un grand nombre de pays est toutefois très mineure ou tardif, parce que ses résultats sont souvent perçus comme, en réalité, indépendants de l’action des associations ; les discussions interminables sur le rôle et la place que devra occuper la société civile mondiale dans ce sommet, notamment lors des rencontres préparatoires (PrepCom), corroborent cette appréhension et ce désintérêt ; or beaucoup d’ONG avaient au départ placé un grand espoir dans en ce sommet, au cours duquel la société civile semble finalement ne devoir jouer qu’un rôle d’observateur, se ” contentant ” de proposer des textes dont l’impact dans les décisions est incertain. D’autre part, au niveau panafricain, des initiatives sont menées par différentes structures pour que l’Afrique puisse comprendre les enjeux du sommet, s’exprimer et avoir une place dans les concertations. On peut aussi citer en premier lieu l’organisation de la rencontre Bamako 2002, compte tenu de l’investissement de la société civile africaine, même si son rôle en tant qu’organisateur de la rencontre est équivoque ; il y a également les initiatives d’APC soutenues par la CEA (coordination de la préparation virtuelle et physique de concertations africaines dans le cadre du sommet, en collaboration avec différentes organisations africaines), les discussions sur la liste Africa_net , l’organisation d’une enquête intitulée ” Les africains et la société de l’information ” par la FIA à l’occasion de la fête de l’internet , l’organisation d’un forum sur la jeunesse africaine et le SMSI . Un comité SMSI africain a été ainsi créé. En général, on peut observer que les structures anglophones ont un plus grand investissement dans le SMSI que celles francophones.

ENCADRE : LES ONG NON SPECIALISEES SUR LES TIC

Nous traiterons ici des organisations dont les actions portent principalement ou exclusivement sur les secteurs traditionnels de développement (éducation, environnement, santé, droits de l’homme, question genre, développement rural) et qui ont soit juste une utilisation fonctionnelle des TIC (saisie et traitement de données, recherche d’information liées au domaine d’activités, envoi de courrier aux partenaires et quelquefois mise en place de listes de diffusions entre partenaires, etc), soit une utilisation technicienne et militante (pour favoriser son appropriation et sa démocratisation, en vue du changement social) bien que n’étant pas spécialisée à l’origine sur cette question. La plupart des manifestations orientées vers l’appropriation des TIC par ces organisations ont été mises sur pied en collaboration avec ou sur l’initiative des organisations spécialisées. C’est le cas de :
” la réunion sur la stratégie africaine de APC (Afrique du Sud, 1997)
” l’atelier sur ” les ONG dans la société de l’information ” organisé durant le premier Forum du Développement Africain (ADF’99) à Addis Abéba en 1999 ;
” la réunion consultative de l’UNESCO et de la société civile, organisée dans le cadre de la rencontre préparatoire africaine du SMSI, Bamako 2002, en mai 2002
” l’atelier sur les OSC et la régulation des TIC organisée par APC et Article 19 avec l’appui de la Commission Economique pour l’Afrique de l’ONU à Addis Abéba en décembre 2002
” la seconde édition du forum social africain qui a abordé la question des TIC
Des initiatives sont également mises en place au niveau national. Par exemple au Bénin, l’ONG Oridev a initié un certain nombre d’activités ( réalisation en décembre 2000 d’un séminaire sur les ONG béninoises et les TIC, liste de diffusion sur les ONG et les TIC, organisation d’ateliers de formation sur l’internet à leur intention, notamment pendant la fête de l’internet 2001) ; au Sénégal, le Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement (CONGAD ) a mis en place en avril 2002, en collaboration avec une ONG espagnole, un cybercentre avec un espace formation dédié aux associations et ONG ; au Burkina, Yam-Pukri a initié un site portail pour les ONG du pays ; etc.
Toutes ces initiatives permettent d’identifier et essaient de résoudre les difficultés rencontrées par les ONG et associations africaines face aux TIC (formation aux TIC, cherté et difficultés d’acquisition du matériel informatique, problèmes de maintenance matérielle et logicielle, sensibilisation aux enjeux des TIC, notamment en ce qui concerne le rôle de la société civile, contribution à la visibilité internationale, etc.).

Cas particulier d’ENDA Tiers-Monde

L’ONG non spécialisée sur les TIC la plus active dans la promotion des TIC par la société civile en Afrique est sans doute ENDA-Tiers Monde. Cette organisation a été fondée à Dakar en 1972 et œuvre de façon générale pour l’environnement et le développement, en travaillant avec les communautés à la base. Elle offrait depuis 1989 jusqu’à la connexion du Sénégal à l’internet, l’accès au courrier électronique aux organisations africaines, à travers une passerelle Fidonet. Aujourd’hui, elle offre un accès complet au réseau aux ONG, associations à la base, chercheurs, ainsi qu’aux institutions de formation qui lui en font la demande. En outre, elle a développé les projets SYNFEV (Synergie Genre et Développement), Cyberpop et lancé le projet Famafrique . Elle est en outre membre du réseau APC Afrique et liée au réseau ANAIS à travers son projet Cyberpop.

PROBLEMATIQUES

Différentes problématiques apparaissent dans l’examen de l’action des ONG et associations africaines spécialisées sur les technologies de l’information. Nous en examinons quelques-unes.

LE DISCOURS DES ONG ET ASSOCIATIONS

La plupart des organisations africaines oeuvrant pour l’appropriation des technologies de l’information en Afrique se consacrent essentiellement à la résolution des questions pratiques : formation, accès, sensibilisation sur les potentialités des NTIC. Certaines ne s’activent surtout que pour tenter de récupérer des financements annoncés (au niveau local ou international). Elles s’investissent peu souvent dans les questions politiques et de lobbying. Et, dans le même cadre, il y a très peu de réflexivité sur l’action associative liée aux nouvelles technologies ou sur les technologies elles-mêmes. Dès lors, en général, elles peuvent difficilement s’empêcher de porter les théories dominantes, qu’elles fassent l’apologie des NTIC ou qu’elles apportent une orientation particulière, un bémol particulier, à tel ou tel de leurs aspects. On peut penser que cette insuffisance trouve largement sa justification dans la jeunesse de ces organisations, en particulier la jeunesse des membres. Une dimension historique dans l’analyse des nouvelles technologies manque parfois. Avant l’internet, d’autres technologies de la communication avaient été objets de transfert en Afrique, et les réalités ne sont pas toujours différentes. Les organisations oeuvrant dans le cadre général du développement, lorsqu’elles s’intéressent aux NTIC en dehors de l’utilisation fonctionnelle, semblent mieux efficaces dans la réflexion sur les enjeux et dans le lobbying. Elles ont en effet une expérience confrontée, ayant sa racine dans la période ayant précédé la création de l’internet. On ne doit donc pas s’étonner que les associations comme ENDA, celles participant activement au mouvement alter-mondialiste ou le réseau comme APC-Afrique, soient les plus audibles et visibles dans la réflexion sur les enjeux, notamment dans le cadre de la préparation du Sommet Mondial de la Société de l’Information.

IDENTITE ET DURABILITE DES ASSOCIATIONS SPECIALISEES

Un grand nombre d’associations spécialisées ont une identité et une durabilité encore incertaines parce qu’elles sont majoritaires jeunes (par rapport à leur date de création) ou mises en place par des jeunes. Comme indiqué plus haut, elles ont été créées à partir du milieu des années 1990, et autour de 2000, parfois après suggestion de partenaires occidentaux. Dès lors, on peut se demander si la conviction des membres ne s’effritera pas au rythme du degré de la non disponibilité des appuis financiers. Cette question est d’autant plus cruciale et pathétique que même lorsqu’une grande conviction militante est à la base de la création d’une association en Afrique, la disponibilité d’appuis est tellement incertaine, la nécessité de survie économique des (futurs) membres cruciale que le bénévolat se marchande durement et que beaucoup d’associations sombrent dans la léthargie.
En dehors de cette question, certaines structures se donnent un champ d’actions restreint, exclusivement centré sur l’internet, illustré parfois dans leurs dénominations. Or l’internet n’est qu’une des (nouvelles) technologies de communication ; en Afrique il n’est ni le premier, ni le seul moyen de communication susceptible de promouvoir le développement, et il n’est pas sûr que d’ici une dizaine d’années les financements soient encore suffisamment disponibles pour sa vulgarisation. D’autres paradigmes ou priorités de développement pourraient surgir ou ressurgir et l’internet n’aurait plus la faveur des partenaires internationaux.
Autre élément : les services offerts par les associations spécialisées sont souvent l’initiation à l’internet, à l’informatique, la sensibilisation élémentaire aux enjeux des TIC et parfois la mise à disposition de cyberespaces. Or ces créneaux sont également soit occupés par les privés, ou risquent dans la durée, de ne plus se paraître pertinents partout (notamment dans les régions urbaines). Les organisations concernées doivent donc s’adapter afin de conserver leur pertinence. Celle-ci peut s’illustrer dans la prise d’initiatives dans des créneaux situés hors du champ d’actions du secteur privé : création de contenus pour des projets non financés, fourniture de services d’informations et de communication pour toutes les organisations de la société civile (plate-forme d’informations, bulletins d’informations spécialisées), offre de services techniques aux associations peu nanties), lobbying national et international (par exemple en matière de gouvernance des TIC), etc. Les associations doivent aussi se perfectionner en matière de gestion des ressources humaines, financière et prospective. Constatons pour finir que les ONG et associations non spécialisées deviennent progressivement compétentes en TIC et mènent également des actions dans ce créneau. Nous reviendrons sur cet aspect ci-dessous.

COOPERATION ENTRE ASSOCIATIONS

La coopération entre organisations devient de plus en plus nécessaire, non seulement entre celles spécialisées sur les TIC elles-mêmes, mais également entre celles spécialisées et celles qui ne le sont pas.
Certaines associations sont doublement spécialisées (sur les TIC et sur un ou des secteurs ” traditionnels ” de développement) à l’image de Schoolnet Africa et AID au Burkina Faso . En matière de lobbying et de négociations, les ONG non spécialisées sont souvent plus armées et présentes, les autres ayant une moindre expérience du militantisme sur le terrain. De plus, les organisations non spécialisées mènent de plus en plus d’activités sur les TIC. Enda-Tiers Monde et les autres membres de APC sont les meilleurs exemples. Or les organisations spécialisées ont des compétences techniques qui font leur originalité. C’est le lieu de souhaiter une meilleure coopération entre ces deux types d’organisations, en particulier au niveau national, afin que les potentialités respectives soient mises, de façon concertée, au service du changement social. D’ailleurs, les TIC ne peuvent avoir une réelle pertinence que lorsqu’elles servent d’appui à la résolution des problèmes traditionnels de développement auxquels sont confrontées quotidiennement les populations africaines.
La question de la coopération entre organisations spécialisées est également très importante. Elles peuvent être considérées comme un groupe relativement homogène, avec des problèmes propres, liés à la technique, au lobbying, aux politiques de promotion des TIC, aux relations avec les privés, l’Etat, et les partenaires extérieurs, etc. Un grand nombre des initiatives ayant fait collaborer des organisations africaines spécialisées sur les TIC au niveau régional ont été impulsées ou organisées par les partenaires non africains. Si cela pouvait se comprendre aux débuts de l’internet sur le continent, près de huit ans plus tard, le développement de réseaux initiés par les africains eux-mêmes, devraient être une priorité . Dans le contexte de mondialisation actuel, l’Afrique a ses urgences et spécificités ; elles ne peuvent être efficacement défendues que collectivement et d’abord par les africains. Ce discours n’a aucune originalité mais reste d’actualité. Souvent des cadres de concertations existent, notamment lors des concertations régionales et internationales ou sur les listes de discussions, mais les organisations semblent hésiter à aller vers la coopération structurée, souvent par manque de confiance réciproque.
Mais, peut-être que le mouvement associatif orienté sur les TIC est encore jeune dans la plupart des pays et que la coopération sera plus effective dans les années à venir.

LES ASSOCIATIONS ET LA TECHNIQUE

Les associations, surtout celles non spécialisées sur les TIC, rencontrent souvent des problèmes techniques dans leur utilisation de ces technologies. Ces problèmes sont liés souvent à la maintenance des matériels et des logiciels, aux faibles compétences dans leur utilisation. Ces problèmes sont difficiles à gérer dans un contexte de rareté des ressources. C’est justement ici que les associations spécialisées peuvent jouer un rôle, bien qu’elles puissent aussi faire face à des contraintes techniques plus pointues (utilisation de nouveaux logiciels de production de pages web, problèmes liés à l’hébergement des sites, etc.).

LES RELATIONS AVEC LES POUVOIRS PUBICS

Les associations africaines se plaignent souvent de ne pas recevoir beaucoup de soutien de l’Etat. Leur rôle ne serait pas souvent reconnu à sa juste mesure, et elles ne seraient pas toujours bien consultées ou écoutées. Dans beaucoup de pays, il existe toutefois des cadres de concertations entre la société civile en général et l’Etat. Certaines revendications des associations sont la possibilité d’avoir des exonérations pour l’achat de matériels informatiques, la réduction des coûts des communications, l’assurance d’un service universel des TIC à l’intérieur des pays, la bonne régulation des TIC, etc.

RELATIONS AVEC LES PARTENAIRES EXTERIEURS

Comme illustrés par les développements précédents l’action de promotion des TIC en Afrique reste empreinte de l’appui et même de l’initiative extérieurs. De nombreux projets sont appuyés par des institutions gouvernementales dans le cadre de la coopération bilatérale ou multilatérale. De multiples associations et organisations non gouvernementales non africaines ou gérée par la diaspora africaine interviennent également, en apportant des appuis techniques (formations aux TIC, services internet : création et hébergement de sites, de listes, etc.), en collaborant sur des projets bilatéraux ou internationaux, en facilitant l’accès à du matériel informatique ou dans certains cas en apportant des financements. Si ces appuis ne sont pas toujours neutres ou sans contraintes, ils contribuent de façon certaine à la dynamique engendrée autour des TIC an Afrique.
Mais les relations avec les associations occidentales sont fortement empreintes d’ambiguïtés, de condescendance et de paternalisme. L’explosion des TIC et la nécessité de leur promotion à intensifié la collaboration entre organisations africaines et occidentales. Toutefois, les nouvelles technologies semblent malheureusement favoriser la diffusion rapide des anciennes suspicions réciproques et tendent même à les pérenniser.
Bien qu’elles tiennent des discours contraires, certaines associations occidentales spécialisées ou non sur les TIC, ont tendance à considérer leurs correspondants africains comme incompétentes, sans tenir compte de leurs expériences. Le problème est que cette perception est souvent généralisée, implicite, spontanée. Certes, des nécessités de renforcement de capacités techniques sont réelles, mais pas générales. Il arrive également que certaines associations, considèrent l’Africain comme mauvais gestionnaire et tentent de s’imposer même dans le choix de leurs propres collaborateurs locaux, lorsque des projets communs les unissent. Pareillement, les africains ne sont pas toujours réellement impliqués dans la gestion des projets communs, que ce soit sur le plan financier ou administratif ; les différentes responsabilités ne sont pas bien discutés, ou sont imposées du fait de la situation privilégié de l’initiateur du projet qui est presque toujours l’association occidentale. Dans de pareils cas, la complaisance réciproque maintient les relations qui par moments deviennent tendues. Certains accusent les bailleurs de fonds de privilégier les projets initiés par les organismes occidentaux parce qu’il leur agréerait plus que ceux-ci soient leur interlocuteur principal.
Ces perceptions et modes opératoires semblent quelquefois basées sur des expériences négatives de l’association occidentale ou d’un de ses partenaires avec des structures africaines, mais il est important d’éviter toute généralisation.

VERS LE RENFORCEMENT DE L’INITIATIVE AFRICAINE

On peut facilement observer que l’initiative non africaine est de façon très prégnante présente dans un très grand nombre de réalisations. Elle est même à leur origine dans beaucoup de cas. La jeunesse des TIC en Afrique et la pauvreté économique du continent justifient ce fait et le rôle des partenaires extérieurs est grandement salvateur et encore indispensable. Toutefois, il conviendrait que l’initiative africaine émerge de plus en plus, non seulement dans la mise en œuvre des projets mais surtout dans leur conception. Tant qu’on se connaît, on est seul à même de situer son mal et de mieux trouver les remèdes qui lui conviennent. L’action du partenaire, qui ne sera jamais permanente, ne devrait être que complémentaire. Les Africains doivent dès lors s’investir davantage, s’investir dans la prise d’initiative et dans la recherche de financements alternatifs, et ne solliciter les partenaires extérieurs que lorsque nécessaire. Dans Le viol de l’imaginaire , Aminata Traoré constate que nous avons actuellement un imaginaire déstructuré, mais affirme que ” L’autre Afrique possible (est) un défi à l’imaginaire et à la créativité “.

CONCLUSION

Bien avant l’avènement de l’internet sur le continent, la société civile africaine commençait déjà à s’approprier les communications électroniques. Elle est aujourd’hui très active dans la vulgarisation et la démocratisation des TIC, et leur développement dans les pays lui en est largement redevable. L’objectif poursuivi est un double idéal : l’appropriation active de ces technologies et le progrès social, local et national. Elle travaille en collaboration avec des structures non africaines et reçoivent des appuis de différentes institutions internationales , alors que l’Etat est peu présent. Les ONG et associations spécialisées sur les TIC sont encore en construction ; leur professionnalisation et la recherche d’une identité propre et la mise en place ou la consolidation des réseaux/collectifs d’associations tant au niveau national que continental, sont actuellement à l’ordre du jour.
Il faut se rappeler que la promotion des TIC ne peut être valorisante en Afrique que si elle sert la résolution des grands problèmes de développement traditionnels auquel elle fait face (santé, promotion agricole et industrielle, démocratisation, résolution des conflits, etc.). Au-delà des diverses difficultés rencontrées, il urge que l’initiative africaine émerge davantage et se renforce, qu’elle soit associative ou gouvernementale.

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