La Télévision numérique terrestre (Tnt) n’est désormais plus qu’une question de jours. L’Agence pour le développement du numérique (Adn) et les autres acteurs en charge du secteur veillent au grain. Fin 2018, c’est l’échéance donnée par le directeur de l’agence, Serge Adjovi pour inscrire le Bénin au rang des pays diffuseurs de la Tnt. Outre cette bonne nouvelle, il évoque les différentes réformes que mène le gouvernement au profit du développement du secteur.
La Nation : Cela fait deux ans que l’Agence pour le développement du numérique (Adn) est mise en place. Qu’est-ce qui justifie sa création ?
Serge Adjovi : L’agence a mis un peu de temps à se mettre en place. Nous avons commencé à fonctionner il y a deux ans, mais l’agence est officiellement en place depuis à peu près un an. Mais ce qui est important, c’est le chemin que nous avons parcouru. Il y a deux éléments importants qui militent en faveur de la création de l’agence. Le premier, c’est la volonté du chef de l’Etat, Patrice Talon, de faire du numérique une des priorités du développement et du Programme d’actions du gouvernement (Pag). Le second élément c’est que de manière transversale, le numérique ne se conçoit pas comme étant un secteur qui ne traite que du numérique, mais se conçoit comme un outil pour les autres secteurs pour se développer plus vite. Lorsqu’on considère la volonté du chef de l’Etat et les besoins de travailler à travers l’ensemble des secteurs ministériels, ça donne naturellement naissance à une agence qui est sous tutelle de la présidence de la République, en ce sens qu’elle peut intervenir bien entendu au niveau du secteur de l’économie numérique et de la communication, mais aussi au niveau des autres secteurs, de l’intérieur, de la sécurité publique, de la santé, de l’éducation….
Quel bilan peut-on mettre à l’actif de l’agence après un peu plus d’un an d’activités ?
C’est vrai que dans le secteur du numérique, les bilans sont parfois un peu difficiles. Ce n’est pas comme les secteurs de l’eau, ou de l’agriculture où l’on peut quantifier très rapidement les impacts et faire un bilan. Toutefois, il y a un impact. L’Adn est une agence en charge de l’exécution des projets du numérique. Elle a la charge de contribuer à l’exécution de la partie numérique des projets qui sont dans d’autres secteurs, et aussi la charge de réformes. Dans le Pag, il y a des projets, mais également des réformes. Aujourd’hui, l’agence a participé à l’ensemble des réformes du secteur du numérique. Je vais en évoquer deux. Nous avons besoin d’opérateurs sains qui investissent dans les infrastructures, et dans les services pour les populations. De cinq opérateurs mobiles au départ, nous ne sommes qu’actuellement à deux. Nous avons jugé que les trois n’étaient pas efficaces et que nous n’avons pas réussi à trouver des solutions avec eux pour les rendre plus efficaces de manière qu’ils soient complètement dans la dynamique de la stratégie du gouvernement.
La deuxième chose, c’est le Code du numérique. C’est une réforme sur laquelle nous étions acteurs et que j’ai personnellement contribué à organiser, que ce soit dans la phase d’élaboration que dans la phase de validation par les parlementaires. Le Code du numérique est un texte de plus de 600 articles et qui a été élaboré et adopté en l’espace d’un an et promulgué six mois plus tard par le président de la République après avis de la Cour constitutionnelle. C’est un texte qui est à la fois juridique et technique. Il définit des éléments qui n’existaient pas dans notre législation. Aujourd’hui, on parle beaucoup de dématérialisation. C’est un certain nombre de processus utilisant des papiers que nous voulons rendre électroniques pour plus d’efficacité dans l’action gouvernementale. Pour qu’un document dématérialisé soit acceptable dans les processus gouvernementaux et par la justice, il faut que les textes l’autorisent, en vue de la sécurité des informations électroniques. A cela s’ajoute, l’amélioration des textes existants sur la cybercriminalité ou sur les communications électroniques en général. Le Code du numérique est une pièce fondamentale du développement du secteur. Sans ça, certains projets du Pag, comme celui de l’administration intelligente où il y a de fortes composantes de dématérialisation ne pourront pas voir le jour, parce qu’il n’y aurait aucun cadre légal. Nous sommes à pied d’œuvre sur les réformes. Entre autres, la restructuration des entreprises publiques de télécommunication.
Parlant des réformes, où en est-on avec le développement des infrastructures haut débit et de la Télévision numérique terrestre (Tnt) ?
A côté des réformes, il y a les projets. Le projet concernant la Tnt a commencé avant avril 2016. Il s’est accéléré après avril 2016. Nous avons changé un peu la gouvernance des structures. Pour la Tnt, nous sommes tenus par les engagements internationaux. Aujourd’hui, le réseau Tnt est en place. Il en train d’être testé et finalisé. Nous prévoyons avant la fin de l’année que la Tnt soit diffusée sur au moins la partie méridionale du pays et très rapidement sur le reste du pays.
Quelles sont les dispositions mises en place pour respecter cette nouvelle échéance qui est dans moins de trois mois ?
Le réseau est en place. Nous procédons aux tests. Nous disposons déjà des autorisations de la Haac en ce qui concerne les chaînes. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la mise en place des structures de gouvernance de la Tnt. Nous allons installer une société de patrimoine pour les infrastructures de radiodiffusion. Nous sommes également en train de mettre en place une société d’économie mixte qui sera créée pour être le diffuseur de programmes sur la Tnt. D’ici un mois et demi, cette société sera une réalité. Ce n’est pas si simple, mais nous faisons tout pour respecter nos engagements. Nous ne sommes pas en avance, mais nous sommes proches d’y arriver. Nous serons parmi les quelques pays qui auront déployé la Tnt en 2018 et auront commencé sa diffusion. La complexité, les modèles économiques et les éléments stratégiques de la Tnt avaient été sous-estimés.
Le Bénin aspire à être la plateforme des services numériques de l’Afrique de l’Ouest. Mais il est confronté à plusieurs défis sur le plan national. Comment comptez-vous vous y prendre?
L’Adn travaille avec l’ensemble de l’écosystème et autour du ministère de l’Economie numérique et de la Communication qui est le dépositaire de la feuille de route gouvernementale. Elle collabore avec l’agence des systèmes d’informations qui a à charge l’exécution des projets phares. Nous travaillons sur la Tnt, les infrastructures haut débit et très haut débit, sur la connectivité dans les domaines de l’éducation et dans d’autres domaines. L’agence pour les services et systèmes d’information travaille sur les services, la dématérialisation des processus du gouvernement pour la fourniture de E.service vers les populations et contribue à l’avènement d’une administration intelligente. L’Agence des services et systèmes d’information (Assi) contribue à l’exécution de certains projets du gouvernement, notamment la mise en place de l’administration intelligente. Pour ce qui concerne l’Adn, il y a plusieurs projets concernant l’installation d’infrastructures de haut débit et de très haut débit. La réhabilitation de 2000 km de fibre et la mise en place de services au niveau de la technologie 4 G fixe. Ce projet qu’on appelle le PD2T est en train d’être terminé. Nous sommes dans une phase de réception avec le prestataire. Nous avons mis en place de la technologie haut débit principalement pour l’utilisation par les opérateurs mobiles et les opérateurs fournisseurs d’accès à internet qui vont pouvoir utiliser ces infrastructures de fibres optiques mises en place pour livrer à leur tour des services de haut débit à leurs clients.
Dans le même temps, nous avons également lancé deux projets dont un de densification du haut débit. Le second nous permet de fournir de la bande passante dans des pays enclavés. Pour pouvoir respecter nos engagements avec la qualité des services, nous allons développer un autre projet de plus de 1000 km de fibres optiques le long de la frontière du Togo et qui sera connecté avec l’ensemble des communes du Bénin.
Lorsqu’on sait que le Bénin a besoin d’arrimer ses ambitions aux coûts sans occulter la question des équipements, comment apprécier alors la récente augmentation des taxes sur l’utilisation de l’internet?
Nous travaillons sur la viabilité du secteur. Les ambitions et les investissements sont grands. Il faut que les acteurs soient à la hauteur des ambitions pour relever les défis. Si nous avons des opérateurs qui ne peuvent pas survivre du fait des prix pratiqués, un problème se pose. Le trafic de données augmente, par conséquent de nouveaux investissements sont nécessaires sur les réseaux Gsm. Il faut qu’ils aient les moyens de ces investissements pour garantir une bonne qualité de services. Les prix pratiqués concernant la Data ont été divisés par quatre en l’espace d’un an et ceux concernant la voix ont été également divisés par deux ou trois. Ce qui a plombé significativement les marges des opérateurs qui ne pouvaient plus investir. Les opérateurs sont des contributeurs importants au niveau du Trésor public. Il faut continuer à donner les tarifs le plus bas possible aux utilisateurs et préserver en même temps, la santé financière des opérateurs. Même si le décret relatif à l’augmentation des taxes sur l’utilisation de l’internet a été annulé, il nous faut trouver des solutions avec les opérateurs, les associations de consommateurs, afin de disposer d’un écosystème actif.
Le Bénin assure, depuis quelques jours, la présidence du Réseau francophone des ministres en charge de l’Economie numérique. Comment compte-t-il marquer son mandat ?
C’est une actualité importante. Nous voulons être aux premières loges de ce qui se fait dans le domaine de l’économie numérique. Nous voulons que notre pays soit reconnu comme l’un des pays en avant-garde des innovations et du développement du numérique. C’est une victoire politique pour le Bénin d’assurer la présidence du Réseau francophone des ministres en charge de l’Economie numérique. Nous allons soutenir notre ministre pour que le Bénin réussisse sa mission. On ne peut pas faire de l’économie numérique au Bénin en ignorant les pays voisins et le monde. Les problèmes dans le secteur sont presqu’identiques à tous les pays.
Que pourriez-vous dire en guise de conclusion à cet entretien?
En tant que directeur de l’Adn, je suis complètement investi de la mission du développement du numérique. C’est louable de m’aider à démystifier le numérique. Le numérique, c’est l’affaire de tous. Des jeunes l’utilisent parfois mieux que nous. Et cela doit continuer et s’amplifier. C’est à travers cette nouvelle génération que nous, acteurs de décision du secteur, allons sentir la pression d’offrir les infrastructures et les services nécessaires pour le développement du secteur?
Auteur : Maryse ASSOGBADJO
Source : Quotidien La Nation
Date : 24 Octobre 2018